Notes de travail

Fonction publique territoriale, management, stratégie, santé au travail, sens du travail, dynamique sociale, ...

Sens de l'action publique locale et attractivité

Le 2023-02-18

De quoi parle-t-on du point de vue des agents ? Quelle réctualisation possible ? Et quels liens avec l'attractivité ?

Ci-joint un article publié pour la revue Le mouvement communal, éditée par l'Union des Ville et des Communes de Wallonie ( UVCW).

LIRE l'article > article-uvcw-novembre-2022.pdf (350.34 Ko)

 

 

 

 

Télétravail : déliaison sociale ou reconstitution de soi ?

Le 2020-12-18

1. La mise en place, forcée et dans l'urgence, du télétravail et des technologies associées a permis de maintenir les relations internes et externes, d'assurer au mieux la continuité du service et donc, in fine, de contribuer à la continuité des vies quotidiennes des habitants soumises à de fortes ruptures.

2. Marqueur de l'événement Covid dans le champ du travail, nous avons constaté que ce dispositif avait constitué pour de nombreux agents une véritable découverte et une expérience souvent positive. Cette dernière est sous-tendue par une logique de ré-appropriation de son travail, caractérisée par :

  • la concentration liée à l'atténuation des sollicitations incessantes venant hacher le travail,
  • la liberté accordée en termes d'auto-organisation de son travail valant confiance et reconnaissance,
  • la sérénité par suspension du temps de trajet et meilleure articulation entre les différents pôles de sa vie.

Ces trois termes désignent l'effet paradoxal du télétravail, celui d'être plus présent subjectivement à son travail, et, de surcroît, de parvenir à conjuguer qualité, efficacité et efficience.

3. Pour de multiples raisons (compatibilité de l'activité, matériel, management inapproprié, appétence personnelle, etc.), tous les agents n'ont pu vivre pleinement cette expérience. Mais cette logique et ses principales caractéristiques, si elles peuvent être contrariées, constituent néanmoins le coeur de l'attractivité du télétravail.

4. Celle-ci est d'autant plus forte qu'elle prend sens au regard d'une tendance croissante à la mobilisation généralisée (Martucelli 2017) des acteurs sociaux perpétuellement enrôlés dans des flux multiples :

  • irriguant tous les aspects de la vie sociale et notamment le travail,
  • appelant réponse immédiate et réactivité. D'où sentiment d'accélération et de saturation du présent, etc,
  • et puisant abondamment dans les ressources psychiques et physiques des personnes. D'où burn out, stress, épuisement, etc.

Dans cette optique, le télétravail n'est donc pas tant le renforcement de l'atomisation de la société (désengagement, rejet du collectif, etc). Mais un dispositif contrecarrant la tendance à l'atomisation des individus eux-mêmes : "jouets" sous l'emprise des flux, ballotés et entraînés par leur cours et se dispersant au gré des multiples sollicitations. Il est ainsi à comprendre comme la possibilité d'un abri temporaire au sein des flux.

Le collectif n'y est pas rejeté, mais tenu, un temps, à distance afin d'être présent à ce que l'on fait, de retrouver prise (versus la déprise) et d'habiter pleinement son travail. Distance ne signifie pas ici déliaison et désengagement. La reconstitution de soi en sujet de son travail est au contraire la condition d'une relation au collectif et aux autres, en personne.

5. Les risques d'isolement, de décrochage, et d'atteintes à la socialité sont bien présents. Et un usage intensif peut clairement s'apparenter à une mise en danger. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, avec lucidité, les demandes des agents semblent généralement porter sur 1 ou 2 jours par semaine. Mais les enjeux de transformation entourant le télétravail ne se limitent pas à trouver le bon équilibre entre les temps.

6. Premier enjeu : inscrire l'introduction du télétravail dans une perspective de différenciation et qualification des espaces-temps. Le télétravail en est un, avec ses qualités propres (concentration, liberté, sérénité). La visio-conf. centrée sur l'échange rapide d'informations et la coordination opérationnelle en est un autre.

Mais le présentiel offre lui aussi de nombreuses possibilités de temps participant d'une réappropriation individuelle et collective du travail. La convivialité, la santé et le bien-être, la machine à café, la coopération, le débat, la résolution de problèmes, l'accompagnement, l'analyse des pratiques professionnelles, etc, sont autant d'espaces-temps potentiels à investir. Reste à les penser et les construire au regard d'une intention explicite afin de leur donner toute leur densité qualitative.

L'enjeu est de sortir d'un temps soumis à la seule pulsation du tempo, et de construire, sur cette base, des figures rythmiques variées offrant une palette de temporalités différenciées. Plus que de temporiser, il s'agit donc dans cette optique de temporaliser (Caye, 2020), en créant et en structurant des temps permettant aux individus et aux collectifs de s'installer dans un présent vivable et habitable, car riche d'un rapport à soi, aux autres et au travail revivifié.

7. Le second enjeu est bien évidemment managérial.

Le management à distance rend nécessaire des pratiques clefs du management : expliciter les attendus et leur pourquoi, en discuter, adopter une posture ressource, laisser de l’autonomie, faire confiance a priori, instaurer des points réguliers, poser des échéances, etc. La distance met à nu des fondamentaux structurant la relation managériale et exige leur mise en acte. Or, ceux-ci sont loin d'être toujours appliqués et ce d'autant que la relation de proximité tend souvent à faciliter leur esquive.

Par ailleurs et sur cette base, il s'agirait d'élargir l'activité managériale à l'instauration et l'animation de tous les temps collectifs potentiels offerts notamment par le présentiel et évoqués précédemment. Il y a là un espace de transformation conséquent et nécessaire. Et qui de surcroît, en concernant tout le monde, limite partiellement le risque d'injustice sociale qu'encoure un télétravail excluant les "premières lignes" qui ne peuvent en bénéficier.

 

* Danillo MARTUCELLI (sociologue) La condition sociale moderne. L'avenir d'une inquiétude, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2017.

* Pierre CAYE (philosophe) Durer. Eléments pour la transformation du système productif. Paris, Les Belles Lettres, 2020.

 

 

Le terrain est stratégique

Le 2020-11-26

Covid-19 a fait toucher du doigt le "vif" de l’action publique locale, "faire tenir debout le quotidien" et a ainsi réactivé le sens animant la territoriale. L’engagement souvent spontané des agents ordinaires s'est d'ailleurs particulièrement manifesté. Mais Covid 19 n’a pas seulement rendu sensible le « pour quoi ? », il a tout autant porté le projecteur sur le « comment ? » et le terrain. Du sanitaire au maintien des services essentiels, les questions opérationnelles ont saturé cette séquence. Comment se protège-t-on et protège-t-on autrui ? Comment ouvrir une école, maintenir l’état civil, maintenir le lien avec les habitants les plus vulnérables, etc. ?

Entre les mots d’ordre et la réalité, s’est révélée toute la complexité de la moindre activité et des conditions nécessaires à sa réalisation. La valorisation des métiers essentiels s’est donc doublée d’une valorisation de l’activité concrète et du terrain. Sans expertise et savoir-faire terrain, toute stratégie prend le risque d’échouer sur le réel. A ce titre le terrain n'est pas seulement ce qui applique la stratégie. Il la réalise, la nourrit et l'ajuste en continu. Il participe donc pleinement de la fonction stratégique.

La remise en cause de l’action centralisée de l’État et la montée en puissance de la parole des collectivités locales à l'occasion de la crise sanitaire en est une illustration manifeste. Mais ce qui se joue entre les acteurs publics doit de la même manière se jouer au sein des organisations territoriales. Là comme ailleurs, le terrain demeure bien souvent invisible, là comme ailleurs, le savoir d’en haut tend à éclipser le savoir d’en bas, formant l’ « angle mort » des dirigeants (Yves Clôt, 2020)*.

Quelques pistes de travail :

1. Prendre acte de la dimension stratégique du terrain. Reconsidérer la place et la parole des managers de proximité (Cf. Billet Ndw 17), intégrer les acteurs de terrain concernés au processus de décision et libérer des espaces d'autonomie aux équipes opérationnelles (notamment en termes d'auto-organisation), ente autres.

2. Mettre en mots, par les équipes, et rendre visible, au sein de l’organisation, l'activité réelle, soit :

– Les épreuves quotidiennes du travail ;

– ce que ces épreuves engagent subjectivement (initiative, intelligence, énergie physique, attention, relation à autrui, partage de significations…) ;

– ce qu’elles nécessitent en termes organisationnels : ce qui équipe l’action et fait ressource.(Pascal Ughetto 2018)*.

Il s’agit de faire en sorte que l’activité soit travaillée et débattue collectivement et que les agents aient ainsi leur mot à dire sur ce qu’ils font, comment ils le font, pourquoi ils le font. De nombreux dispositifs peuvent soutenir cette approche consistant à "faire parler" le travail : retour d’expérience, diagnostic de l’activité, échanges de pratiques, analyse de situations types, observation croisée, analyse de dysfonctionnements récurrents, co-construction de solutions et du service rendu.

3. Favoriser l’émergence de projets d’équipe inscrits dans une perspective d’amélioration continue. Ils tiennent certes compte du projet stratégique. Mais ils ne doivent pas pour autant se réduire à sa simple déclinaison, comme nous le voyons souvent. Façonnés par l’équipe et son encadrement, à partir des revisites du service rendu aux usagers, du fonctionnement de l'équipe et de la qualité de vie au travail, s'y élabore une feuille de route à un an autour de quelques actions phares. Favorisant alors la prise en charge de l'activité par les acteurs eux-mêmes, ils leur permettent de "faire sens et stratégie" à leur échelle, en produisant des effets perceptibles et à portée de main.

Yves Clôt, Le choc du réel, in Ensemble et autrement, Le cercle des acteurs territoriaux, 2020.

Pascal Ughetto, Les nouvelles sociologies du travail. Introduction à une sociologie de l'activité. Deboeck, 2018

 

Reconsidérer la place et la parole des managers de proximité

Le 2020-07-07

Chroniques territoriales Ndw 17 Le "terrain" est le lieu où la stratégie se réalise et où les politiques publiques prennent corps. C'est en ce point que les transformations s'accompagnent et les actions s'ajustent. C'est au sein des espaces du quotidien que la confiance des agents se construit et que les pratiques se façonnent. Les encadrants de proximité, en première ligne, ont donc une haute valeur stratégique. Celle-ci s'est pleinement manifestée à l'occasion de la gestion de la crise du Covid : sans expertise et savoir faire "terrain", toute stratégie prend le risque d'échouer sur le réel.

Cette valeur s'accompagne d'une grande fragilité. Souvent issus du rang et amenés à gérer d'anciens collègues, ils ont à opérer "sur place" un repositionnement sans commune mesure avec la prise de poste d'un cadre en mobilité. Fortement exposés au réel et à toute son épaisseur, ils ont à faire face aux stratégies qui achoppent ou se contredisent, aux dysfonctionnements comme aux imprévus qui surgissent au quotidien.

Cette place stratégique et cette fragilité sont souvent reconnues. De nombreuses formations sont d'ailleurs mobilisées leur permettant d'être plus à l'aise dans leur travail et de se positionner. Mais pour autant, centrées sur l'acteur individuel, elles ne sont pas en mesure de dénouer le paradoxe systémique dans lequel ils sont pris.

En effet, si l'importance de leur place est, dans le discours, prise en compte, elle se trouve souvent déniée dans les faits. De manière symptomatique, leur appartenance à la communauté managériale est proclamée, alors même que la grande majorité des séminaires managériaux se déroulent encore en leur absence. Plus profondément, le pouvoir dont il dispose n'est aucunement à la hauteur de la valeur qui leur est accordée. Le contraste entre les multiples prescriptions venues d'en haut et la faiblesse de leur pouvoir de les influer est saisissant. Leur voix ne porte pas, ne produit pas ou peu d'effet.

Les conséquences de ce noeud paradoxal se manifestent entre autres autour de la question de l'autorité. Du côté des managers de proximité, la situation d'entre-deux devient, en situation paradoxale, un exercice de haut vol. Comment faire autorité quand vous ne disposez que d'un très faible pouvoir d'influer sur ce qui impacte au plus haut point l'activité et les agents dont vous avez la charge ? Si ce n'est en prenant appui sur votre savoir faire technique et la relation personnelle aux agents, tout en dénigrant parfois ceux "d'en haut". Du côté de la ligne hiérarchique, c'est, en miroir, le constat fréquent d'un encadrement de proximité se positionnant avant tout comme expert technique et manageant de manière "trop" empathique ou "trop" autoritaire.

Les acteurs sont jugés, les représentations des uns et des autres, figées, sans interroger le système dont elles résultent. Cet impensé freine la nécessaire évolution de la place effective des managers de proximité.

Pour dénouer le paradoxe, il est souhaitable d'engager une reconfiguration des relations et des rapports de pouvoir afin de créer les conditions dans lesquelles l'encadrement de proximité acquiert une voix plus forte, une voix qui porte. Le travail mené en coproduction avec diverses collectivités* nous ont permis d'identifier les points clefs d'un processus axé sur les collectifs de travail.

1. Permettre aux encadrants de proximité de construire une représentation partagée et formalisée de ce qu'ils vivent, de leur rôle, de ce qu'ils font, de leur place dans le système, des difficultés qu'ils rencontrent comme de leurs sources de satisfactions. Pour se construire en sujet (versus un "jouet" du système) il faut d'abord se représenter à partir d'un partage d'expériences.

2. Leur faire élaborer les évolutions possibles et souhaitables de leur rôle, de leur action et des conditions organisationnelles (RH, management, processus de décision, etc) qui les favoriseraient. Se construire en sujet collectif, c'est porter un projet, prendre en charge collectivement le devenir de son métier.

3. Partager ce travail sur son rôle et son devenir auprès avec tout l'encadrement. Cette prise de parole publique et collective est un élément clef de la constitution de soi comme acteur qui compte et entend compter. Voilà ce que nous vivons, voilà ce que nous proposons !

4. Passer du collectif des encadrants de proximité aux collectifs managériaux par activités (encadrants de proximité, chefs de services, directeurs, voire DGA d'une même activité) et les faire travailler, sur la base des propositions des encadrants de proximité, à un projet managérial à court terme, co-construit et sur lequel le collectif s'engage. Il s'agit alors d'inscrire dans les faits et les décisions, le poids de la parole des managers de proximité.

* Merci aux villes de Saint-Nazaire, Bagneux et Saint-Jean-de-Monts à l'initiative de dispostifs d'accompagnement conséquents. Merci également aux villes de Challans, Millau et à Vichy-communauté pour leur action.

 

 

Interco/Communes : la coopération nécessaire

Le 2020-06-10

 

En ces temps de très fortes secousses, la coopération inter-territoriale devient une nécessité absolue.

Quelques analyses et pistes opérationnelles pour avancer et franchir une nouvelle étape !

Deux rapports à disposition, commandés par le CNFPT et L'INSET d'Angers :

Vademecum séminaire 2018vademecum-se-minaire-2018.pdf (2.61 Mo)

Cnfpt livret numerique seminaire dgs 2019cnfpt-livret-numerique-seminaire-dgs-2019.pdf (4.31 Mo)

 

 

 

"Donner du sens" ???

Le 2018-12-13

 

 

Ndw 16. Un impératif managérial, moins évident qu'il n'y parait.

En effet :

1. Il y a déjà du sens. Les acteurs en attribuent nécessairement à la mission qu'ils accomplissent. Le terrain n'est jamais "vierge de sens'.

2. Le sens n'appartient à personne. Il circule, s'échange, se transforme,...Les dirigeants n'en sont donc pas les propriétaires. S'il leur revient de fixer un sens, au sens de direction - orientations, priorités, etc qui permettent d'agir - celui ne couvre pas toute la question.

3. Les acteurs élaborent eux-mêmes le sens qu'ils donnent à ce qu'ils font à partir de ce qu'ils vivent et constatent, des échanges, de leur histoire personnelle et collective, de leur culture.

4. Ce rapport actif à la construction du sens est surmultiplié dans nos sociétés contemporaines. Le sens n'étant plus donné et n'allant plus de soi, chacun est amené à travailler à sa production.

5. Cette élaboration est le fruit d'un processus articulant trois foyers de sens en forte interdépendance.

 

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La logique du système peut se formuler ainsi : Une personne s'engage dans l'action au nom d'une mission.

C'est au travers du sens de la mission que chacun définit son utilité sociale. Qu'est que je-nous apportons à autrui, à la société ? Quelles valeurs accompagnent l'accomplissement de la mission ? Comment celle-ci s'actualise et prend sens dans un monde en évolution ? Etc.

Mais pour une personne engagée quotidiennement dans son travail, cette dimension quasi-institutionnelle ne fera sens de manière effective que si et seulement si :

- cet engagement a aussi un sens pour soi : Est-ce que je m'y retrouve moi en tant que personne, en termes de valeurs, de développement, de reconnaissance, d'évolution de vie, etc ?

- Et si les modalités de la conduite de l'action concrète (soit, le sens de l'action en tant que tel) sont cohérentes, lisibles, fondées sur un diagnostic, adaptées à ses publics cibles, pertinentes au regard de la mission et de ses évolutions, enrichissantes pour la personne, productrices de collectif, etc.

Plus les liens se tissent entre ces trois pôles, plus le sens se densifie, circule et irrigue l'ensemble du système (comme une sève !).

 

Quelques conséquences pour l'action :

- Chercher à cultiver le sens, le déployer, et à entretenir sa dynamique plutôt qu'à combler un soi-disant manque en "donnant du sens".

- Créer des conditions à même de susciter des effets de sens, en travaillant sur les trois pôles simultanément et leurs liens, afin d'activer le processus.

Ces effets se manifestent principalement après-coup et consistent, soit, à renforcer le sens déjà là, soit à le modifier, l'enrichir, le renouveler et ainsi porter un nouvel élan.

- A trop se centrer sur les grands principes - projet d'entreprise, projet de territoire, projet d'administration, valeurs, chartes, etc - et la communication "pédagogique" qui généralement les accompagne, cela tourne à vide par déficit d'ancrage.

Il nous semble donc nécessaire d'investir tout autant et si ce n'est plus, l'activité quotidienne en la considérant comme un lieu stratégique d'articulation entre les trois foyers et non comme une simple déclinaison du grand projet.

Un projet d'équipe co-construit, des diagnostics réguliers sur l'activité et le fonctionnement collectif, une analyse et une action fondées sur la connaissance de ses publics, échanges et analyse de pratiques, co-construction de solutions, scan des situations types problématiques, check-up des process, souci permanent des conditions de travail, véritable coopération entre services, association au processus de décision en amont,...

Ces pratiques rendent le travail plus intéressant, accordent une place à l'individualité dans une dynamique collective, redonnent la main aux acteurs de terrain tout en les invitant à porter une action stratégique à leur échelle et donc à faire sens,... En animant au quotidien le processus, chacun peut alors être le siège et l'acteur de significations enrichies et renouvelées.

 

 

" Cassé, tu finiras ! "

Le 2018-10-05

 

Ndw 16 / Chroniques territoriales. La GPEC se heurte généralement à la fameuse question : comment prévoir dans un monde imprévisible ? Si ce paradoxe mériterait d'être questionné, il ne doit pas pour autant masquer ce qui relève de la certitude.

Or, il est certain que l'exercice durable de métiers physiques et répétitifs exposent les corps à des risques clairement identifiés. Nous pensons bien évidemment à la multitude d'agents catégorie C des collectivités oeuvrant dans la petite enfance, la restauration, l'entretien, les services techniques, etc.

Il est donc certain qu'une grande part de ces d'agents développeront inéluctablement dans leur seconde partie de carrière de multiples problèmes de santé portant atteinte à leur vie personnelle et que leur vie professionnelle sera balisée par les diverses restrictions médicales et inaptitudes.

Il est tout aussi certain que les déboires physiques des uns "se propagent" dans l'entourage professionnel proche : l'absentéisme et les restrictions accentuant la charge de travail des collègues et du chef d'équipe en fin de carrières mettant la main à la patte.

Il est enfin certain que tout ce gâchis humain coute et coutera cher aux collectivités.

Ce scandale est connu. Des voix se font entendre (notamment, l'ANDRH-Grandes Collectivtés et son Président Johan Theuret). Des initiatives sont sans aucun doute prises. Il est donc temps de prendre la question collectivement et à bras le corps : sensibilisation dès l'embauche, voire limitation de la durée d'exercice, anticipation de parcours possibles, formations, variété des tâches et des missions, conditions de travail et organisation du travail, etc. En un mot, ne pas se contenter de l'approche "gestes et postures", utile mais insuffisante, mais s'engager vers une véritable gestion durable des personnes.

 

Etat des lieux

Le 2018-09-10

 

Ndw15 / Chroniques territoriales.  Nos multiples travaux1 auprès des agents territoriaux, confirment le diagnostic suivant : Face aux profondes transformations en cours, l'action managériale a un effet déterminant sur le climat social. Certes, les multiples réorganisations et la réduction des ressources, par déstabilisation et intensification de la charge de travail, impactent le vécu des collectifs et des agents. Mais ce qui décide du résultat final est l'action managériale entreprise.

Nous identifions ainsi trois grands types d'expérience sociale de la transformation en cours.

1. La régression. Elle procède par perception du renforcement de la centralisation de la décision et des modalités de contrôle. Ce mode de pilotage guidé par une forte logique de sécurisation, et fréquemment emprunt d'une méfiance à l'égard des fonctionnaires, produit un double effet négatif : glaciation des relations et rétraction des espaces d'autonomie. Vécu comme une régression par des cadres sur-sollicités et en même temps devenus dépendants au chef, la perte de l'estime de soi vient alors s'ajouter à la déstabilisation comme aux multiples projets à mener dont l'accompagnement difficile des réorganisations. Elle met de nombreux cadres dans une situation difficile, voire en danger : multiplication des RPS en tout genre.

Ce sentiment régressif touche l'ensemble du corps social. En effet, au moment où la situation exige de faire appel à la personne de l'agent (donner de soi, s'impliquer, changer de manière de travailler, de penser, etc), cette modalité porte atteinte à son espace vital et ainsi la nie. Il n'est pas rare alors de rencontrer des agents, cadres ou non, qui pour se protéger et maintenir le sens donné à leur travail fixent leur énergie sur une tâche investie, se créant ainsi un espace de sauvegarde de soi.

2. La morosité. Règne ici le statu quo managérial. On rabote, on réorganise, et on accompagne socialement les transferts et fusions. Mais du point de vue managérial ou des modes de fonctionnement, rien ne se passe. On continue à faire comme avant alors que les fondamentaux sont clairement en train de bouger. Il y a bien adaptation, mais la modalité est ici purement réactive et se limite à une rationalisation économique subie asséchant peu à peu l'élan des acteurs. Le choc est certes moins rude que précédemment. Mais le "faire comme avant" n'ouvrant aucune perspective, mène nulle part.

3. Le renouvellement. Cette dernière expérience sociale se caractérise par la perception dʼavancées managériales significatives, en rupture avec ce qui se faisait communément dans la collectivité. Quelques occurrences simultanées ou successives suffisent à enclencher le processus. Entre elles, un lien sʼopère et, ce faisant, construit une règle dʼinterprétation : il y a une volonté dʼaller de lʼavant et de renouveler lʼunivers professionnel de la territoriale. Le champ des avancées possibles est large. Les figures les plus marquantes en sont : une logique d'action fondée résolument sur les usagers, lʼintensification des relations internes verticales et transversales pour un collectif plus coopératif, des projets dynamisant lʼaction individuelle et/ou collective, des signes de reconnaissance qui vont de la valorisation à une participation plus active aux décisions en passant par lʼaccroissement des marges de manoeuvre, un dispositif de formation plus soutenu, des outils-méthodes pour un plus grand professionnalisme, etc.

L'enjeu est d'enclencher un processus de transformation globale et de l'entretenir par enchaînements afin de renouveler lʼexpérience concrète du travail. S'ouvre ainsi la perspective dʼun devenir dans lequel les agents sont dʼores et déjà engagés. La dynamique positive devient alors le centre organisateur de la perception. Les agents évoquent une "révolution en cours" ou bien à affirment un "C'est mieux qu'avant !". La puissance des avancées essentiellement managériales est donc réelle : une perspective s'ouvre, un sens se dessine.

 

L'impact de l'action managériale est d'autant plus déterminant que ce bouleversement économique et institutionnel intervient au moment même où le rapport au travail est en mutation et les attentes sociales fortes. Dés lors, soit l’action managériale agit à contre-courant par la centralisation et le contrôle, soit, tout au contraire, elle parvient à capter cette attente et ouvre alors une voie aux agents.

C'est le chemin que nous tentons d'emprunter avec certains collectivités en prenant pour point d'entrée, le "mieux-être au travail" et pour objectif la coproduction d'un projet managérial à 1 an. Cet angle d'approche en redonnant une place à la personne au travail amène les collectifs à construire quelques actions-phares sur lesquelles se concentre leur énergie. Elles permettent de faire bouger les relations, les modes de fonctionnement, etc, et ainsi d'inscrire, rapidement et dans le réel, une dynamique visant à "mieux faire ensemble". Dans ce cadre et tels que les collectifs s'en emparent, le "mieux-être au travail" s'avère donc être bien plus qu'une simple compensation aux épreuves du changement, un véritable levier de transformation.

 

1 La nouvelle donne territoriale. Cahiers N°16 Observatoire social de la MNT, 2016. Paré à virer, livret RH MNT-ADGCF, 2017. Ré-enchanter le quotidien. Cahiers N°20 Observatoire social de la MNT, 2018.