Accompagnement, management, stratégie, travail, organisation, dynamique sociale...
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Réorg, réorg, réorg... Et les modes de fonctionnement ?
Par
jeromegrolleau
Le 2016-11-13
Chroniques territoriales / Ndw 10 Réorganisation, fusion, mutualisation, les collectivités sont engagées dans un vaste mouvement structurel qui sans nul doute se poursuivra bien au delà de ce premier acte. La pression viendra tout autant de l'Etat, des nécessités économiques que des mutations majeures qui font évoluer sans cesse leur environnement. Ce moment signe donc l'entrée des organisations territoriales dans un processus inédit de transformation permanente.
1. Cependant, rappelons cette règle de base : Une organisation, c'est de la structure ET des modes de fonctionnements. Elle a plus à voir avec un organisme vivant qu'avec le squelette d'un organigramme. Ce qui donne à la transformation des modes de fonctionnements une place stratégique majeure.
Transformer les modes de fonctionnement :
- ouvre une perspective de renouveau de l'action publique dans laquelle les agents puissent se projeter et qu'ils attendent.
- soutient une dynamique d'évolution culturelle nécessitant que chacun puisse faire l'expérience concrète de nouvelles modalités de relations et d'actions professionnelles.
- donne de nouvelles marges de manoeuvre pour mieux répondre aux enjeux économiques et d'évolutions des services.
- et enfin et surtout, peut doter l'organisation d'une souplesse organisationnelle qui ne peut reposer uniquement sur des changements structurels répétés dont on a pu voir ailleurs les effets délétères. L'adaptabilité à acquérir réside bien plus dans les agents, leurs relations, leur manière de travailler etc,...que dans les structures.
2. Il est donc nécessaire de ne pas se laisser enfermer dans un "tropisme structurel". Un changement de structure, seul, ne surdétermine pas le renouveau de la production du service. Il peut créer des conditions favorables, une base qui oriente vers de nouveaux modes de fonctionnement, mais ceux-ci restent à construire.
3. De nombreuses collectivités ont mis en place des démarches de construction de nouvelles organisations auxquelles agents et managers prennent une part active. Ces démarches plus collaboratives rendent ce moment ré-organisationnel productif. S'y ébauchent de nouvelles formes de relations et de manières de penser et concevoir son activité.
Mais, nombre d'entre elles - limitant la mobilisation/réflexion collective à la seule production des contours des nouvelles structures ou bien la stoppant dès le schéma organisationnel fixé - ne tirent pas parti de ce que ces démarches produisent : des germes qui préparent le terrain pour demain.
Fixées sur les enjeux du présent, elles laissent la question de la structure surdéterminer le pilotage stratégique et se privent alors d'une opportunité d'enchaînement salutaire. Celui qui permettrait d'installer dans la durée de nouvelles modalités de travail et de relations et de construire, par anticipation, une organisation plus adaptée tout autant aux enjeux de demain qu'à à la réussite du projet politique.
Source : Jérôme grolleau " La nouvelle donne territoriale. De l'opportunité à la nécessité de changer ?" Cahiers N°16 de l'Observatoire Social Territorial de la MNT
Par
jeromegrolleau
Le 2016-11-04
Ndw 09. Interview sur la reconnaissance non monétaire pour Entreprise & Personnel.
Suite à une intervention dans un module de formation pour les DRH des grandes collectivités (INET)
entretien-reconnaissance-jg-entreprise-et-personnel.pdf (83 Ko)
Par
jeromegrolleau
Le 2016-06-19
Chroniques territoriales / Ndw 08. Sous le coup d'une baisse sensible des moyens et de restructurations diverses, de nombreuses collectivités se lancent dans des démarches d'évolution, voire d'innovation managériale.
Quelques réflexions et pistes d'approche:
1. Penser et agir système. Se focaliser exclusivement sur les pratiques des managers eux-mêmes et plus particulièrement celles des managers de proximité me semble être un piège à éviter. L'activité managériale de proximité est certes stratégique et les managers en première ligne. Mais elle est aussi le fruit d'un système managérial global. Transformer, c'est donc agir sur l'ensemble des grands déterminants de l'action managériale : communication, RH, pilotage, pratiques managériales, etc.
Par ailleurs, un système managérial est aussi un système de relations entre acteurs. Transformer consiste alors à faire évoluer les places, les rapports et les pouvoirs des uns et des autres. Cette reconfiguration des rapports sociaux est déterminante. En produisant de forts effets de reconnaissance, elle ouvre la voie à une appropriation de la transformation. Un manager de proximité dont la voix est plus reconnue, acquiert un pouvoir d'influer sur le cours des choses et accéde ainsi à une place plus stratégique.
Cette évolution des places et des relations n'est pas circonscrite au seul collectif managérial, mais intégre aussi et surtout les collaborateurs qui oeuvrent quotidiennement à la production du service public local, comme les usagers pour qui celui-ci est produit. Ils ne sont pas hors système !
2. Il s'agit d'instituer des pratiques qui rompent avec ce qui se fait communément dans la collectivité et de les inscrire dans le fonctionnement pérenne de l'organisation. Faire du collaboratif un mode de fonctionnement régulier de l'organisation - au plus près des équipes et sur le quotidien du travail - est plus productif que de faire du participatif dans les grandes occasions ( exemple : élaboration du projet d'administration). L'enjeu est de ne pas se contenter de "coups".
C'est en introduisant des dispositifs concrets sur des champs multiples, fabriqués et expérimentés avec les acteurs concernés, que s'apprennent et se découvrent de nouvelles manières de concevoir sa place et son action. C'est ainsi qu'une dynamique d'évolution culturelle se met en marche.
Instaurer un outil de diagnostic au sein d'une équipe favorise l'émergence d'une culture de l'ajustement permanent et donc de l'innovation. Insituter un RDV-parcours avec les RH facilite le développement d'une culture de la mobilité (pose l'objet mobilité professionnelle dans les têtes, amène à penser son parcours et son rapport à l'organisation, etc). Mettre en place des retours d'expérience, des débriefing, etc stimule une culture de l'apprentissage.
3. Guidée par quelques orientations fortes, c'est une démarche qui se doit d'être piloter en continu, de manière soutenue et avec constance. Elle s'ancre dans un présent en mouvement, tire parti des circonstances et de ce qui est mis en place dans les divers champs constituant alors de nouvelles occasions d'avancer. Chaque pas sert d'appui et invite au pas suivant.
Cette logique d'enchaînements continus procède alors de manière pragmatique et non programmatique. Elle rompt ainsi avec la planification stratégique qui généralement à une longue phase d'élaboration souvent participative fait suivre une tout aussi longue phase de déclinaison dans les services.
Elle entretient une mise en mouvement permanente. Une avancée ici, une autre là, et puis, celle-ci qui permet celle-là, qui misent en rapport les unes avec les autres, dessinent progressivement un autre système managérial, d'autres relations possibles entre les acteurs,..., soit, une nouvelle forme (effet système).
Affaire de dirigeants ? Oui et non. Oui, car ils doivent impulser, autoriser, faciliter. Non car c'est l'affaire d'un collectif et de tout manager qui peut, à son échelle, s'autoriser à porter et produire des avancées au nom de la place qu'il tient et de la mission qui lui est confiée.
Source
Jérôme Grolleau. La nouvelle donne territoriale. De l'opportunité à la nécessité de changer ? Cahiers N° 16 Observatoire social et territorial de la MNT. Avril 2016.
Nouvelle donne territoriale. Contre-effectuer l'événement.
Par
jeromegrolleau
Le 2016-06-02
Chroniques territoriales/Ndw07. Tout collectif peut se trouver dans la situation où il subit les mutations qui se manifestent pleinement à l’occasion de l’événement. Des dynamiques puissantes poussent les acteurs dans ce sens. Mais il peut aussi y faire face. L’événement agit alors comme un stimulant, réveille le corps social et l’invite à ouvrir d’autres possibles, d’autres devenirs dans lesquels il peut se reconnaître.
Contre-effectuer est au coeur de toutes les épreuves individuelles ou collectives. Dans tous les cas, l'opération consiste à absorber, faire travailler, utiliser, détourner et réorienter la force qui s'impose. En prenant appui sur l’énergie que l'événement re-mobilise, il s’agit, comme lorsque l’on fait une contre-proposition, d’explorer les possibles et tenter d’y trouver une voie praticable et désirable, plutôt que de se plier à une logique qui paraît implacable.
À ce titre, la contre-effectuation (Zarifian 2012) est toujours une manière de re-subjectiver ce qui arrive et vous « tombe dessus ». Ne pas en être l’objet, mais reprendre la main.
1. Réforme territoriale et baisse des dotations de l'état produisent une secousse dont chacun sent bien qu'elle marquera un tournant dans l'histoire des collectivités. En ce sens, elle fait donc événement.
Aux yeux des agents, ce tournant peut tout aussi bien prendre la forme d'une spirale négative qui déstabilise les équilibres et accentue le sentiment de vulnérabilité sociale que constituer le point de départ attendu et nécessaire d'un renouveau des modes de fonctionnements internes et des relations des uns et des autres.
La déstabilisation a ici cette vertu de mettre en éveil, de rendre les interrogations - sur ce que l'on fait, comment on le fait, pour quoi on le fait - plus vives, de sortir de la victimisation médiatique et passer à l'autocritique lucide, de révéler et accélérer des évolutions culturelles qui laissent entrevoir de nouvelles manières de penser et d'agir. La situation est donc ouverte et dynamique.
2. Prise sous cet angle, la force d'impact de la secousse constitue donc une impulsion initiale sur laquelle prendre son élan. Elle est porteuse de déstabilisation, certes, mais aussi de mise au travail psychique et d'une énergie potentielle à transformer en énergie cinétique.
Ce point de vue prend à revers le réflexe qui consiste à atténuer l’impact qui déstabilise. Or manager n’est pas ménager. S'il peut en faire partie, il n’en est pas le coeur. Et en l’occurrence, nous pensons qu’il est plus judicieux d’entretenir le mouvement initial, de le prolonger et le guider, plutôt que de chercher vainement à l’amoindrir.
La nouvelle donne territoriale invite alors les dirigeants comme les managers à doubler la question difficile de son application d'une seconde question encore plus stratégique. Qu’est-il possible d’entreprendre, non pas malgré elle, mais à partir d’elle ? Que faire de cette impulsion initiale ? Comment prolonger son effet dynamique ? Où l’emmener ? Comment agir dès l'amont et quelle direction lui donner ?
Sur cette question, le point de vue des agents est clair : Transformer le système managérial.
Source.
Philippe Zarifian. Sociologie des devenirs. L'Harmattan.2012.
Jérôme Grolleau. La nouvelle donne territoriale. De l'opportunité à la nécessité de changer ? Cahiers N°16 Observatoire social territorial de la MNT. 2016
Innovation managériale : petit récit sur les dérives d'un impératif
Par
jeromegrolleau
Le 2016-05-19
Ndw 06. Pas un colloque, pas un discours de dirigeant sans que ne surgisse comme un nouvel étendard, voire comme une prescription impérieuse : l'innovation managériale
Un haut dirigeant présente le projet stratégique d'une grande entreprise. Temps d'échanges : un directeur opérationnel pointe les contradictions, voire les impasses dans lesquelles la production du service se trouve, les règles RH contraignantes, la culture de l'entreprise, etc. Réponse : " Managers, innovez ! L'innovation est le maître mot de notre entreprise. Elle doit être partout ". Dans le texte ! J'y étais.
Alors, que fait ce directeur ? Il sollicite son réseau professionnel, explore ce qui se fait, identifie des pratiques intéressantes, en parle avec ses collaborateurs, fait son tri, ses emprunts afin de trouver les clefs qui puissent répondre à ses problématiques. Une fois ses scénarios en poche, il retourne voir son haut dirigeant. Ecoute patiente. Mais au fur et à mesure qu'il développe ses propositions, il sent bien que la sentence n'a point besoin d'être formulée, car elle se lit aux plis des lèvres de son interlocuteur. " Déjà vu. Pas assez innovant !".
Car ce qu'il veut lui, c'est une "vraie" innovation, une qui claque, brille, montre que l'on entre dans le "nouveau monde" et que l'entreprise en ouvre les portes,...
Bien sûr, cette histoire n'arrive presque jamais, quoique. Mais par contre, elle est là dans les esprits de tous les protagonistes, affleure dans les discours, tel un implicite de l'innovation managériale. Entre impératif catégorique, capture médiatique et stimulation incessante de consultants en surenchère permanente, l'innovation managériale se met autour du cou un noeud coulant qui empêche tout simplement d'avancer.
Le modèle de l'innovation de rupture issue du technologique est tellement présent dans les esprits, les enjeux d'image des uns et des autres tellement insidieux que l'on en arrive parfois à cette situation ubuesque : s'interdire de mettre en place des choses utiles, parce qu'elles ne sont pas assez "innovantes".
Alors oublions un temps le terme et tout ce qu'il porte. Prenons de la distance à l'égard de La pratique magique qui prend sens au regard du marché de l'innovation et non à l'aune de l'histoire de son organisation.
Et gardons la notion clef d'un mouvement adaptatif permanent,
fait d'ajustements réguliers et multiples,
qui par accumulation et effet de système
produisent des mutations irréversibles
et bien souvent imprévisibles.
Une avancée ici, une autre par là, et puis, celle-ci qui permet celle-là (art de l'enchainement et des effets en chaîne). Se dessine alors un autre système managérial, d'autres relations possibles entre les acteurs,....
Retour à et fin de l'histoire.
Suite à cette déconvenue le directeur opérationnel engage à sa propre initiative un accompagnement individuel. Son objectif est de comprendre ce qui l'affecte tant dans cette aventure. Il faut alors l'aider à "désintriquer" (c'est à dire lier et séparer) ce qui relève de son histoire personnelle et de ses rapports avec son "grand chef". Cette plongée dans son histoire lui permet en outre de retrouver un goût d'entreprendre qu'il avait peu à peu perdu : s'y ressourcer, retrouver le désir qui pousse à s'autoriser au nom de la responsabilité qui lui est confiée. Et oser y aller sans être sous l'emprise du regard de l'autre.
Il reprend alors ses idées initiales, celles qu'il avait exposées. Il tâtonne, expérimente, apprend, enrichit et pas à pas met en oeuvre. Deux ans plus tard, au regard des résultats (économiques et services), le haut dirigeant lui demande de transmettre son expérience aux autres directeurs...
Fusion : Rendre les écarts féconds
Par
jeromegrolleau
Le 2016-04-14
Chroniques territoriales/Ndw05. Un cadre d'un Conseil Régional "en fusion" me faisait part de tout l'intérêt qu'il portait aux échanges avec ses homologues. L'apport principal était à ses yeux de découvrir des écarts dans les manières de faire. " Ils ne font pas comme nous. Et pourtant nous sommes dans l'administration ! "
Quels enseignements en tirer ?
1. Si il y a écart dans le faire, c'est qu'il n'y a pas UNE manière de faire inscrite dans le marbre et qui serait historiquement fondée. Non seulement des pistes s'ouvrent, deux en l'occurence. Mais l'existence de ce deux signifie qu'il peut y en avoir trois, quatre, etc. L'écart dissout l'illusion du marbre, crée un vide et ouvre potentiellement un espace de créativité.
2. En remettant en cause ce qui n'était pas interrogé et qui pourtant fondait l'action, l'écart a un effet réfléchissant qui constitue l'apport tout autant professionnel que personnel de la rencontre. Il permet de se réfléchir et de réfléchir: prise de recul, pas de côté réflexif.
3. Paradoxalement, l'écart rapproche. C'est le moteur de la construcion du lien. Sur fond de similitude ce bout d'altérité vient vous dérégler, vous surprendre et fait, au sens fort, rencontre. Comme toute véritable rencontre, elle fait naître un désir de poursuivre l'échange, appelle une suite, soit le début d'une histoire. Pas celle écrite en haut, mais celle vécue en bas et faite de multiples interactions.
4. Quand elles fusionnent, mutualisent, font groupe, etc. les organisations ont souvent tendance à se focaliser sur ce qu'il y a de semblable chez les uns et chez les autres et à construire un socle se résumant au plus petit dénominateur commun. Elles réduisent l'écart et font à la lettre fusion: deux ne font qu'un.
Plutôt que de vouloir trop rapidement réduire l'écart comme on réduirait une fracture en en rapprochant les deux bouts pour qu'ils n'en fassent plus qu'un, il est souhaitable de rendre l'écart fécond afin que deux donnent naissance à un. (Procréation plus que fusion !)
5. Plus que sur les différences identitaires, les écarts qui comptent portent sur le faire : comment fais-tu ? Et à partir de là, qu'allons-nous faire ensemble, comment allons-nous nous organiser, que nous apportons-nous mutuellement et nous transforme, qu'allons-nous construire ensemble, etc.
C'est une approche pragmatique. Elle se base sur l'action, rend l'écart productif et donne toute sa place aux acteurs, à tous les niveaux de l'organisation. Cette dernière crée les conditions pour que cela se passe mais ne construit pas à la place des acteurs. Elle laisse le jeu des interactions se déployer.
Le commun c'est ce que l'on construit grâce à l'intelligence collective que nos écarts produisent.
Par
jeromegrolleau
Le 2016-03-17
Ndw04 " Le vertige est une inversion et une contamination du Proche et du Lointain. Pour l'homme qu'il saisit au milieu de la paroi, l'amont, côté protecteur et proche, se redresse jusqu'à devenir surplombant (...) ; tandis que l'aval, là-bas, se creuse dans un lointain qui commence sous ses pas (...). Il n'y a plus de là." Henri Maldiney (philosophe, 1912-2013)
1. Ce mouvement de bascule entre le proche et le lointain éclaire une caractéristique forte de l'expérience contemporaine de la globalisation. La mise en interdépendance généralisée de tous les points du monde brouille non seulement les frontières entre états, mais plus communément celle que chacun pose entre un là et un là-bas. La globalisation ne relève pas seulement du macro. Elle produit des effets au coeur du micro et de nos vies quotidiennes dont elle change la texture.
2. Le vertige contemporain ne se réduit donc pas au tourbillon de flux d'informations, d'innovations, d'événements, qui nous fait "tourner la tête". Au delà de la sensation visuelle d'un environnement tumultueux, il est plus profondément une sensation kinesthésique (interne au corps), étrange ; l'appui vacille, le sol se dérobe.
Cette sourde sensation traverse le social : imprévisibilité d'un licenciement, angoisse de chute sociale, conflit lointain qui vient exploser ici, menace écologique qui du virus au radio-actif courre sur les flux, réorganisation subite, délocalisation qui du jour au lendemain fait disparaître de manière imprévisible un emploi et le font resurgir à des milliers de kilomètres, etc.
3. Que fait celui qui brutalement a le sentiment que le sol se dérobe. Il se met à quatre pattes, renforce ses appuis, consolide son assise, reconstruit un là pour se remettre debout et agir.
N'est-ce pas ce qui se manifeste dans l'engouement pour le développement personnel (retrouver ses appuis internes - confiance en soi, estime de soi...), dans l'inscription forcenée dans du local, dans le renforcement des relations de proximité et la constitution effrénée d'un réseau qui, comme un filet, tend sa toile et vous arrime au monde ?
4. Ce double mouvement de délocalisation par les flux et de relocalisation dans des lieux que chacun s'aménage amène donc à repenser ce qui est généralement interprété comme un "repli sur soi protecteur". Ce qui apparait comme repli n'est que le renforcement du camp de base : celui à partir duquel chacun prend appui et avance. Ce qui semble une régression sociale est aussi une dynamique adaptative de renouvellement des pratiques sociales.
Par
jeromegrolleau
Le 2016-03-17
Ndw03 L'émergence des risques psycho-sociaux ne se réduit pas à un durcissement de la pression exercée par les organisations sur les salariés. Il faut y lire également le développement d'un rapport plus intime au travail. Chacun aspire à sentir qu'il existe et compte. Lire l'article... Chacun attend des relations gratifiantes et de pouvoir apporter sa valeur ajoutée afin de se sentir utile et efficace. Chacun désire prendre part à quelque chose qui le dépasse et donne une portée à ce qu'il fait. Cette mutation rend le travail de plus en plus personnellement sensible.
1. Le surgissement des risques psychosociaux est aussi l’envers de ce mouvement. C’est justement parce que le travail devient ce lieu de haute intensité subjective qu’il peut être un lieu de souffrance. Et c’est justement quand il y a disjonction entre les modèles d’organisation et la mutation du rapport au travail que la souffrance croît.
2. La question de la reconnaissance tient ici une place majeure et invite à développer une autre logique d'action. Ne pas seulement détecter le risque, mais en construire l'antidote. Ne pas pas seulement accompagner les personnes en souffrance mais cultiver les ressources que sont la confiance en soi et l'estime de soi.
Dans cette optique, il s'agit de reconnaître la réalité du travail quotidien et la part contributive que les acteurs y tiennent. Dire bravo, merci, c'est bien. S'intéresser vraiment à ce que chacun fait et partager cet intérêt, c'est mieux. Car chaque jour, ils mobilisent leur intelligence, leur sensibilité, leur histoire (et donc leur subjectivité) pour trouver des solutions, développer des astuces face à l'imprévu et s'accorder entre eux.
3. Se pencher sur l'activité quotidienne ne veut pas dire être dans le contrôle. C'est savoir comment ils font, à quelles difficultés ils sont confrontés et les traiter. C'est tenir compte de leur expertise dans les décisions prises. C'est échanger sur le service que l'on produit : où en est-on, comment pourrait-on avancer ? C'est donner du pouvoir d'arbitrage et initier avec eux une dynamique d'amélioration, voire d'innovation. En un mot, les considérer comme les véritables producteurs de leur activité et non de simples exécutants.
Tout le monde sans doute y souscrit. Mais dans les faits, a-t-on à tous les étages des organisations instituer les dispositifs qui soutiennent la part contributive de chacun, sollicitent l'expertise, stimulent et sécurisent la prise d'initiative ? Là est l'enjeu : instituer dans l'organisation de nouveaux modes de fonctionnement.
Source. Jérôme Grolleau, La reconnaissance non monétaire au travail. Cahiers de l'Observatoire social territorial de la MNT, 2014.