Accompagnement, management, stratégie, travail, organisation, dynamique sociale...

Pour imprimer ou partager une note de travail cliquer sur son titre

Storytelling par le bas

Par Le 2015-04-09

 

Ndw02 Le site Racontersavie.com* invite des gens ordinaires à produire de courts récit-témoignages sur leur vie, telle qu'ils la vivent et en font l'expérience. Le but est de rendre visible des pans entiers du social et lisible la société à elle-même. L'ambition est forte : rompre avec le déficit de représentation qui se manifeste chaque jour dans le domaine politique.

En découle un principe simple : il ne peut y avoir de grand récit collectif qui fasse sens, sans qu'il n'entre en résonance avec l'expérience sociale des gens et les dynamiques d'évolution qui la traverse.

1. Ce qui vaut pour le champ politique vaut également pour les organisations. Si les récits qu'elles produisent ne sont plus connectés à ce que les gens vivent et aux évolutions du corps social, la machine à récits tourne à vide et les salariés ne s'y reconnaissent plus. Les experts du storytelling ont beau réinjecter du sensible émotionnel "qui parle aux gens" - événements emblématiques, forte personnalisation, mythes - je doute que cela suffise à faire sens et représentation. L'émotion touche, mais, sans connexion à l'expérience sociale, ce toucher risque fort d'être un "feu de paille" qui illusionne les dirigeants sur leur performance communicationnelle.

2. Face à cette surabondance de discours, toujours en provenance du haut, ne serait-il pas temps d'écouter, de se laisser questionner et nourrir par les récits du bas : au ras de l'expérience.

L'enjeu social est fort. Le décrochage, non seulement assèche la confiance, mais en vient à déréaliser l'expérience elle-même. Un récit qui ne se frictionne plus à la réalité devient une fiction flottante qui peu à peu fait perdre aux mots leur capacité à dire les choses.

3. Ils agissent comme une liste de mots-clefs abstraits qui tend à faire "couverture du réel". Ils ne permettent pas aux managers de poser des mots sur ce qu'ils vivent, de renouveler leurs analyses, ni de construire véritablement une action qui fasse sens.

Il faut alors les aider à s'en détacher un temps et les inviter à braquer le projecteur sur leur activité réelle et l'expérience qu'ils en font. Fort de cet ancrage, il redevient possible de nourrir les mots en expérience sensible, de leur redonner un sens incarné et in fine de ressourcer le discours de l'entreprise en réel.

La technique ? Permettre aux acteurs eux-mêmes de mettre en récit les situations vécues, de manière détaillée, proche du documentaire, les partager, les questionner, en tirer ensemble tous les enseignements et en nourrir l'organisation : Le storytelling par le bas.

* P. Rosanvallon, Le parlement des invisibles, Seuil 2014. initiateur du site racontersavie.com. 

 

Coaching : développer son potentiel ?

Par Le 2015-04-04

 

Ndw01 Le terme de potentiel abonde dans le discours coach. A juste titre, cette croyance en du possible est un ressort fondamental de la dynamique de transformation que le coaching vise à produire.

Cependant nombre de plaquettes et d'ouvrages, mettent en avant l'idée que la finalité-même du coaching serait de "développer, optimiser, augmenter,... son potentiel".

1. Développer son potentiel laisse supposer qu'il n'y aurait du potentiel que du côté de la personne : ce qui exclut l'idée qu'il puisse y en avoir "hors de lui", dans la situation elle-même, du côté de son environnement social.

Or, c'est bien souvent en décryptant ce "hors de soi", en ne considérant pas la situation dans laquelle on est pris comme un donné figé, mais plastique et traversé de multiples dynamiques, que se trouve des prises opportunes qui permettent d'avancer.

La situation dispose d'une potentiel à explorer et à cultiver tout autant que la personne elle-même. C'est dans leur entrecroisement que des pistes nouvelles peuvent émerger.

2. A strictement parler, même développé, augmenté, un potentiel demeure potentiel et ne s'actualise pas nécessairement. L'exploration et la mobilisation de toutes les potentialités d'une personne et de la situation sont bien évidemment des conditions nécessaires au processus-coaching. Mais s'en tenir là, c'est se contenter de développer une bulle spéculative.

Le point clef du processus est le passage du potentiel à son actualisation - franchir une étape, réorienter son approche, adopter de nouvelles modalités d'action... Ouvrir les possibles est une chose, faire le premier pas en est une autre.

3. Au seuil de ce passage, surgit toute la complexité d'un être humain : son désir de changer et de ne pas changer, ses potentialités et sa vulnérabilité, ce qu'il maîtrise et ce qui lui échappe, ce qui vient de lui et tout ce qui vient du dehors, avec leurs multiples intrications... C'est en explorant ces entrelacs, en en dénouant autant que faire se peut les fils, que se dessine une voie, la sienne et non celle d'un modèle qui s'imposerait.

L'occultation de toute cette complexité par un discours coach positif faisant miroiter l'illusion narcissique du développement d'une toute puissance de soi, rate l'essentiel. Le potentiel n'est pas la fin, mais le début. La fin, c'est l'acte : pas celui du héros imaginaire, mais le sien.